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August 11, 2023
Alice, en première ligne d’une profession à risque
Écrit par Alice
Alice, est une journaliste de la RDC. Elle a séjourné à Shelter City, la Haye en 2023, avec le soutien de Justice et Paix Pays-Bas et de la municipalité de la Haye. A la fin de son séjour de trois mois aux Pays-Bas, Alice à écrit un article pour partager son expérience de journaliste en RDC.
Ce que je vais vous raconter n’est autre chose que ma propre expérience dans cette profession que j’adore.
Ça semble contradictoire d’aimer un métier qui met ma vie en danger. Justement, il est nuisible à la vie de celles et ceux qui l’exercent dans mon pays, la RDC, particulièrement au Sud-Kivu d’où je viens.
Mon histoire est subdivisée en 5 points :
- Qui suis-je ?
- Le plus beau métier qui m’inquiète
- Des sujets qui fâchent
- Au pays où en exil ?
- Que faire de ceux qui souffrent comme moi ou pire que moi ?
Qui suis-je ?
Je suis une jeune femme journaliste congolaise engagée. Je me définis de cette façon parce que je crois toujours que le micro que j’utilise au quotidien, la plume que je mannie à longueur des journées peut informer peut sauver ma province.
Je suis une journaliste engagée, avec un focus sur l’idée d’informer au-delà des faits. Très humblement, je reconnais être une passionnée du journalisme d’investigation. Mon domaine de prédilection a toujours été les doits des femmes avec les violences sexuelles et basées sur le genre dans ma province.
Malheureusement, vous savez que le Sud-Kivu est considéré depuis un certain temps comme la capitale mondiale du viol. C’est discutable, mais reconnaissons qu’il y a une part de vérité dans cette thèse. A côté de cet aspect de journaliste au sens propre du terme, j’ai le plaisir d’être aussi activiste des droits humains. Pas assez de commentaires sur ce point.
Je précise que je travaille en qualité de professionnelle du micro, une plateforme thématique axée sur les droits des femmes. En plus, je suis active dans des organisations de défense et de promotion des droits de l’homme.
Le plus beau métier qui m’inquiète
Un auteur classique du nom de Montesquieu disait : “La plupart des hommes sont capables de grandes actions que de bonnes”.
Dans de nombreux pays du monde, nous avons ce genre d’hommes capables à mettre en mal le travail de la presse. Nous les appelons des ‘prédateurs de la presse’ qui sillonnent dans ma province natale, le Sud-Kivu.
Souvent, leur mode opératoire a toujours été varié. Pour mon cas, j’ai subi des menaces verbales, des intimidations par des proches du pouvoir public pour me demander de corriger ma manière de travailler, des appels inconnus qui annoncent mon enlèvement brusque, et ainsi de suite.
C’est vrai que ce métier est très inquiétant, très inquiétant encore, mais je l’adore.
Lorsque j’ai subi ces choses regrettables dans un pays déclaré État de droit, j’ai été obligée de vivre en cachette. Quelques semaines durant, j’ai cessé d’être visible au sein de la communauté par peur des représailles des prédateurs.
Représailles parce que simplement j’ai travaillé de manière honnête en disant tout haut ce que beaucoup disent tout bas.
C’est vrai que ce métier est très inquiétant, très inquiétant encore, mais je l’adore. Je pense que mon rêve d’être journaliste qui se bat pour essayer de changer le cours de l’histoire de son pays , de sa province est en train d’être réalisé. C’est dur étant donné que nous avons des peaux de banane que nous tendent des ennemis d’une presse libre. Malgré Cela, nous avançons.
Qui sont ces ennemis ? Généralement, ce sont des agents du gouvernement, des officiers militaires et autres personnes publiques comme les agents de l’agence nationale des renseignements, les responsables de l’institut congolais de conservation de la nature, des bourgmestres, et consorts.
Lorsque la vérité sur des sujets souvent tenus secret est révélée au grand public, tous ces gens sont prompts à recourir à la violence contre la presse. En est- il de même ici, aux Pays- Bas, ou dans le reste de l’Europe ? Je ne saurais le dire, mais ce qui est sûr, c’est que les journalistes ne sont pas en sécurité et sont vulnérables faces à ceux qui souhaitent que nous restions silencieux.
Des sujets qui fâchent
Quelques sujets de mes productions radiophoniques ou des articles qui fâchent sont par exemple :
- Avoir dénoncé les conditions carcérales inhumaines dans plusieurs prisons du Sud-Kivu
- Avoir dénoncé des barrières illégales par des militaires en exigeant une rançon aux passants
- Avoir dénoncé le faible encadrement de l’armée par le gouvernement qui paie de modiques soldes aux militaires en ce moment où le pays est agressé par le Rwanda
- Avoir dénoncé les violations des droits des peuples autochtones par des eco-gardes au sein du parc national de kahuzi biega
- Avoir dénoncé le détournement de six millions de dollars par un ancien gouverneur de province qui a fini par être destitué par les députés provinciaux
- Avoir dénoncé l’insécurité quasi permanente au Sud-Kivu. Une situation caractérisée par des morts d’hommes et des braquages sous la barbe de la police
- Avoir dénoncé l’impunité des auteurs de viol des mineures dans la cité de Kavumu, à un peu plus de 30 km de la ville de Bukavu.
Voilà un peu des sujets qui fâchent, et qui m’attirent la foudre des ennemis de cette noble profession.
Au pays ou en exil ?
Personnellement, je pense que nul n’est mieux que chez soi. Rester dans mon pays, servir mon pays et contribuer par mon travail à bâtir notre jeune démocratie.
Donc, l’exil n’est toujours pas un idéal.
Chers amis, je vous jure que c’est frustrant d’être en train de faire son travail dans les règles de l’art, et subir des menaces de certains individus qui abusent du pouvoir. Dommage que ce soit ainsi.
Est-ce qu’il faut se taire parce qu’on a peur de mourir ? Où il faut parler pour sauver le plus grand nombre de nos compatriotes, et mourir dignement ? A vous aussi de répondre à ces questions.
Que faire de ceux qui souffrent comme moi ou pire que moi?
Je pense qu’il faudrait aider d’autres confrères en situation difficile. Je vais dire que des confrères qui décident d’informer autrement la population en dénonçant certaines bêtises de gouvernance sont toujours dans le viseur des prédateurs. Ils sont victimes des vérités qu’ils disent avec (bonnes intentions) ou sans intention de nuire.
Aujourd’hui, j’ai le privilège de respirer un air de paix et de tranquillité de l’esprit. Cela, après plusieurs mois de traumatisme. Mais, derrière moi, il y a des collègues qui endurent, et il est important de les accompagner dans cette épreuve.
Toujours combattue, quelques fois battue dans l’exercice de mes fonctions de journaliste, mais je ne suis pas abattue.
C’est pourquoi, une organisation dont je suis chargée des programmes voudrait collaborer avec d’autres organisations. Là, nous pouvons facilement être en train de former les journalistes sur des mesures de protection, les conscientiser sur des principes professionnels et apporter une première assistance aux victimes au niveau local.
Nous continuons la lutte d’écrire et de diffuser même au-delà du fait. Le droit d’informer est aussi garanti que celui d’être informé.
Honoré de Balzac disait : Les affaires ne reposent pas sur des sentiments.
Je le paraphrase en disant que le journalisme professionnel ne repose pas non plus sur des sentiments. Toujours combattue, quelques fois battue dans l’exercice de mes fonctions de journaliste, mais je ne suis pas abattue. Je tiens fort. Je tiens bon.
C’est mon histoire.